Thrasea Paetus, sénateur romain, fut le premier à s’opposer ouvertement à l’empereur Néron en montrant son dégoût contre ses pratiques, notamment la justification de l’assassinat de sa propre mère, Agrippine la Jeune. Sa simplicité de vie, son rapprochement au stoïcisme sont autant d’éléments qui contrastaient avec la vie de Néron ; le Sénat le condamna à mort et Thrasea se suicida chez lui.
À Rome, ces nouvelles, bien que fâcheuses, ne laissaient pas cependant que d’apporter de la joie au peuple, persuadé que c’était un indice infaillible de la chute de Néron.
Tous les autres sénateurs faisaient semblant de se réjouir de ce qui avait eu lieu ; ils s’en félicitaient avec Néron et décrétaient une foule de mesures dans l’intention de lui être agréables; mais Paetus Thrasea vint au sénat, écouta la lettre de l’empereur ; puis, la lecture finie, il se leva immédiatement, avant qu’on eût rien mis en délibération, et il sortit, alléguant que, ce qu’il voulait dire, il ne le pouvait pas, et ce qu’il pouvait, il ne le voulait pas.
Thrasea se conduisait de la même sorte en toute occasion ; il disait : « Si Néron devait me faire mourir seul, je pardonnerais de grand cœur à l’exagération des flatteries ; mais si, dans le nombre de ceux qui lui prodiguent des louanges, les uns n’ont pas été épargnés, les autres sont pour périr plus tard, à quoi bon succomber à la manière d’un esclave, en se couvrant de déshonneur, lorsqu’il est possible de payer en homme libre sa dette à la nature ? La postérité parlera de moi ; d’eux, elle ne dira rien, sinon qu’ils ont été mis à mort. »
Tel était Thrasea ; sans cesse il se disait à lui-même : « Néron a le pouvoir de me tuer, il n’a pas celui de me nuire. »
Source : Dion Cassius - Histoire romaine, livre LXI