Sculpture du Paléolithique – L’adorant de Geissenklösterle

Une découverte de plus de 35 000 ans

Lors de fouilles à une vingtaine de kilomètres d’Ulm, dans le Jura au sud-ouest de l’Allemagne, Gustav Riek découvrit en 1958 le Geissenklösterle, la grotte de la Chèvre, en fait le reste d’une grotte plus vaste mais effondrée.

Les fouilles qui y ont été pratiquées en 1979 permirent de dater et déterminer les sédiments, la flore, la faune ainsi que les vestiges archéologiques qui s’y trouvaient. C’est ainsi que la couche datée du Paléolithique, probablement entre -32 000 et -30 000 av. J.C. donna entre autres trois statuettes d’animaux en ivoire, des fragments d’ivoire de mammouth, des pierres taillées, une sagaie ainsi que des objets d’art mobilier.

Une seule représentation figurative se trouve parmi les statuettes retrouvées : un demi-relief en ivoire produit à partir d’un fragment d’ivoire de mammouth provenant de la périphérie d’une défense, d’une couleur rose avec de petites taches de manganèse et de minuscules points d’ocre rouge. Cet artefact est appelé « l’adorant » de part la position de son personnage qui semble prier ou être en adoration.

Ivoire sculpté de la grotte Geissenklösterle au musée de Stuttgart (2015)

Les premiers Homo Sapiens en Europe

Les hommes ayant habités cette grotte vivaient à l’époque Paléolithique et plus précisément au Paléolithique supérieur appelé l’Aurignacien (du nom des grottes d’Aurignac en Haute Garonne) : cette période marque l’arrivée de l’Homme moderne (Homo Sapiens) sur le continent européen et s’étend entre -43 000 et -29 000. La culture aurignacienne va se propager d’est en ouest, soit remontant le Danube pour passer par le Jura souabe en Allemagne où se trouve la grotte de Geissenklösterle, soit longeant la côte méditerranéenne pour rejoindre l’Espagne.

Cette culture aurignacienne grâce à ses vestiges laisser justement * les premières traces artistiques de l’Homme en Europe avec des parures en coquillages, en bois, en ivoire, des petites sculptures représentant des animaux ou des hommes, des plaques de roches gravées ainsi que des peintures.

* du latin vestīgium : trace de pas, empreinte

Propagation de la culture aurignacienne

La représentation

« L’adorant »
Photo de 1987

Malgré les dégâts liés au temps, l’ivoire sculpté révèle une forme humanoïde sans savoir si c’est un homme ou une femme qui est figuré. La représentation est faite de face avec des bras plutôt courts et levés et des jambes écartées.

Les bras enferment la tête courte et ronde mais a subi le plus l’érosion de l’eau. Les bras et la tête sont proportionnés normalement par rapport au tronc tandis que les jambes semblent un peu trop courtes, très certainement à cause des contraintes du support même d’une longueur de 38 mm pour une largeur de 16 mm.

Plusieurs incisions se retrouvent aussi bien sur les avant-bras ou les jambes sans trop savoir si elles servaient à donner plus de relief, plus de détails ou représenter autre chose comme des signes informatifs ou des décorations.

La petite taille de cet objet sculpté laisse à penser qu’il s’agissait d’un objet personnel, probablement perdu dans la grotte. Les représentations préhistoriques de figures d’hommes sont rares, surtout datant de plus de 35 000 ans en Europe.

Le revers de ce petit artefact est également sculpté, apportant à la fois des interrogations et des éléments de compréhension des hommes du Paléolithique.

Le revers comporte en effet une série d’encoches placées en quatre lignes avec des séries de 13, 10, 12 et 13 encoches, plus une dernière pouvant être sur une des deux lignes du milieu. Les bords contiennent également un total de 39 encoches portant le tout à 88 encoches.

« L’adorant » – Les deux faces

Quelle finalité ?

Une observation à retenir est le fait que ces séquences aient d’abord été placées intentionnellement pour par exemple être mémorisées ou pour transmettre une information. La plus grande interrogation reste la finalité, le « pourquoi » où seules quelques pistes de réflexion peuvent être envisagées mais sans espérer de réponse définitive de part le manque de contexte, d’écrits ou même généralement d’objets du Paléolithique :

  • Le nombre total d’encoches (88) coïncide au nombre de jours en 3 lunaisons (88.5 jours).
  • Cette période correspond également à la durée de grossesse humaine pouvant ainsi permettre d’estimer la date d’accouchement.
  • C’est aussi la durée approximative entre la disparition de l’étoile d’Orion (connue très tôt et avec certitude par les Sumériens) entre l’équinoxe de printemps et le solstice d’été, dates utiles pour anticiper les saisons et les activités nécessaires pour se nourrir.
Sources :
- Photo du demi-relief de la grotte Geissenklösterle par Don Hitchcock sur son site donsmaps.com 
- Timothy Insoll - The Oxford Handbook of Prehistoric Figurines - 37.3 Early Upper Paleolithic
- Jean Combier et Guy Jouve - Chauvet cave's art is not Aurignacian: A new examination of the archaeological evidence and dating procedures