Les maximes de Ptahhotep

Ici commencent les préceptes de la bonne parole que prononça le noble, le prince, père du dieu, aimé du dieu, le propre fils aîné du roi, le préposé à la ville (de la pyramide), vizir Ptahhotep en apprenant à l’ignorant le savoir et les règles de la bonne parole — chose profitable à celui qui écoutera, chose nuisible à celui qui l’enfreindra.

Alors il dit à son fils : « Ne te vante pas de ton savoir, mais consulte un homme illettré de même qu’un savant — on ne peut atteindre les confins de l’art et il n’y a pas d’artiste qui ait (complètement) acquis sa maîtrise ! — une bonne parole est plus cachée que le feldspath vert, on la trouve pourtant chez les femmes esclaves aux meules.


Si tu es un directeur en train de donner des directives à un grand nombre de gens, tends à chaque espèce de bienfaisance jusqu’à ce que tes directives soient exemptes de mal.

La justice est magnifique, (son) excellence dure ; elle n’est pas altérée depuis le temps d’Osiris et l’on punit celui qui néglige les lois. Ce qui échappe à un homme rapace c’est que la bassesse peut (il est vrai,) conquérir des richesses, (mais que) jamais le tort n’atteint le port. Il dit: « Certes, j’acquiers moi-même » et ne dit pas: « J’acquiers pendant (l’exercice de) ma fonction ». Mais quand la fin vient, c’est la justice qui dure. L’homme doit dire: « C’est le territoire de mon père ».


Tu ne dois pas former des cabales contre les hommes ; dieu punit d’une chose pareille. L’homme dit « J’en vivrai » — et il sera exempt de pain à cause de (cette) parole ; l’homme dit « Je suis riche » et il dira « Il me faut happer (pour en tirer profit) ce dont je me rends compte » ; l’homme dit « Je dépouillerai un autre » — et il en arrive à donner à celui qu’il ne connaît (même) pas. Jamais ne s’accomplissent les intentions des hommes ; c’est ce que le dieu ordonne qui s’accomplit. Alors, vis dans le contentement ; il arrivera ce qu’ils donnent eux-mêmes.


Tiens ta bouche devant tes voisins : on rend de l’estime à celui qui sait se taire. Quant à un homme habile qui devient riche, il vole souvent comme un « crocodile » dans la Cour de Justice.

Si tu es pauvre et que tu serves un homme notable, dont la condition chez le roi (litt. «dieu») est bonne, — un homme dont tu connais la simplicité de jadis, ne t’exalte pas à son égard à cause de ce que tu sais de lui du temps passé, mais estime-le conformément à ce qu’il a conquis — la fortune ne vient certes pas d’elle-même ; c’est sa loi pour ceux qui la désirent ; quant à son abondance, on (le) respecte à cause d’elle ; et c’est le roi (litt. « dieu ») qui l’a fait notable et qui le protège même quand il dort.


Sois joyeux aussi longtemps que tu existeras ; ne fais pas plus que ce qui est dit et n’abrège pas le temps destiné à la joie. Il est dégoûtant pour le ka de gaspiller son moment (de plaisir). Ne perds(?) pas le temps du jour (par le travail) plus qu’il ne faut pour les soins de ton ménage ; la richesse viendra même quand on suit le désir, mais il n’y a aucun profit des richesses quand il (sc. le désir) est négligé.


Si tu es un directeur, sois tranquille quand tu écoutes les paroles d’un quémandeur et ne le repousse pas avant qu’il ne se soulage de ce qu’il s’était proposé de te dire. Un homme frappé de malheur aime à épancher son cœur plus (encore) que la réalisation de ce pourquoi il est venu. De celui qui repousse les pétitions on dit: « Pourquoi donc les rejette-t’il ? » Même si tout ce qu’il a sollicité n’est pas susceptible d’arriver, c’est un apaisement de l’esprit que d’être bien écouté.


Si tu désires garder l’amitié dans la demeure où tu entres comme maître, comme frère ou comme ami, partout où tu entres — prends garde de t’approcher des femmes ; la place où cela serait fait ne saurait être bonne. La vue n’est jamais (assez) attentive en les scrutant : des hommes sans nombre sont détournés(?) (ainsi) de ce qui leur est profitable ; un bref instant semblable à un rêve — et pourtant on atteint la mort pour les avoir connues. C’est une mauvaise maxime que celle de pourfendre le rival ; quand on vient de le dire(?) (litt. «faire»), le cœur le repousse (déjà). Celui qui manque le succès en convoitant cela, aucun dessein ne lui réussit.


Si tu es notable, fonde-toi un foyer ; épouse une femme légitimement(?), remplis son estomac et enduis sont teint de pommades. L’onguent est un remède pour son corps. Réjouis son cœur aussi longtemps que tu existes : c’est un champ utile à son maître. Tu ne dois pas la condamner ; éloigne-la (cependant) du pouvoir et restreins-la si c’est un (litt. «son») orage que son œil quand elle regarde ; c’est faire qu’elle prospère dans ta maison.


Ne raconte pas de calomnie ; tu ne dois (même) pas l’écouter — c’est le propos d’un homme inflammable. Raconte quelque chose de vu, et non d’entendu ; si l’on n’y fait pas attention, ne parle pas du tout ; vois, ton interlocuteur connaît la vertu. Il est ordonné d’en (d’une médisance) empêcher l’expression, (mais) celui qui est assigné pour la saisir(?) est impopulaire(?) comme la loi. Voici la punition : c’est un songe, et on est voilé à cause de cela.


Sois libéral aussi longtemps que tu existeras ! N’importe quoi qui soit sorti du grenier ne doit pas (y) retourner ; c’est du pain destiné à être distribué dont on est avide. Celui qui a l’estomac vide sera un accusateur et celui qui s’oppose deviendra un homme qui soulève la haine(?) : ne fais pas de lui ton intime ! L’amabilité, c’est l’(heureux) souvenir d’un homme dans les années qui viendront après la fonction (litt. «sceptre»).

Source : Les Maximes De Ptahhotep (c. 2350 av. J.C.) - Extraits, traduction de Zbyněk Žába