Trưng Trắc et Trưng Nhị sont des femmes ; d’une seule voix, elles rallièrent les commanderies de Cửu Chân, Nhật Nam, Hợp Phố ; et soixante-cinq forteresses au-delà des Montagnes du Sud de la Chine (Nanling) ont répondu à leur appel. Elles fondèrent une nation et se proclamèrent reines aussi facilement que de se retourner les mains. Nous pouvons voir que nous, Viêts, avons le potentiel pour aussi acquérir le statut de chefs militaire et de monarques. Malheureusement, depuis la dynastie Triệu jusqu’à celle de Ngô Quyền, en l’espace de plus de mille ans, les hommes ont simplement baissé la tête et sont devenus les vassaux des habitants du Nord (Chinois). Ces hommes n’ont-ils pas honte en pensant que les deux soeurs Trưng n’étaient, pour elles, que des femmes ? Hélas ! Ils peuvent dire qu’ils se sont gâchés et perdus eux-mêmes. Le règne des reines Trưng commença l’année de Canh Tý et se termina à Nhâm Dần, pour un total de 3 ans (40-42 après J.C.).
Lê Văn Hưu - Annales complètes du Vietnam
Les Chinois étaient les seuls habitants de la grande plaine de Chine du Nord, du Shandong, du sud du Shanxi et du bassin du Nanyang. Partout ailleurs dans le nord, ils partageaient la terre avec des peuples non-chinois. Dans le sud, les tribus chinoises et aborigènes vivaient ensemble dans toutes les régions du pays. Mais là-bas, la situation était l’exact inverse de celle du nord. La population chinoise augmentait grâce à l’immigration et dominait en nombre les autres tribus. La supériorité chinoise ne fit jamais aucun doute, sauf dans le sud-ouest du territoire.
Cela ne veut pas dire que les Chinois n’ont jamais rencontré d’opposition. En mars de l’an 40, le peuple Yueh se souleva dans le delta du fleuve Rouge, dans l’actuel nord Viêt Nam. Ils étaient dirigés par les sœurs Trưng, Trưng Trắc et Trưng Nhị, filles d’un chef local. D’autres tribus Yueh le long de la côte au nord et au sud répondirent à leur appel et Trưng Trắc se proclama reine. Elle était apparemment capable de prendre le contrôle des zones rurales, mais ne pouvait pas envahir les villes fortifiées. Le gouvernement de Luoyang réagit lentement et l’empereur Han Guang Wudi n’ordonna une campagne militaire qu’en mai ou juin 42. Ma Yuan prit le commandement et reçut le titre de « Général qui calme les vagues ».
Ma Yuan appartenait à un clan important du nord-ouest ; il s’était porté volontaire pour servir l’empereur en l’an 28, et avait mené des batailles victorieuses contre les Tibétains de 35 à 37. Ma Yuan et son état-major se rendirent dans le sud de la Chine et y mobilisèrent leur armée. Ayant atteint le Guangdong, Ma Yuan envoya une flotte de navires de ravitaillement le long de la côte et, avec ses forces terrestres, marcha à travers un terrain difficile en direction du delta du fleuve Rouge. Il y arriva au début de l’an 43 et termina son opération en avril ou mai de la même année. Les sœurs Trưng furent capturées et décapitées. Les opérations d’anéantissement des force ennemies durèrent jusqu’à la fin de l’an 43.
Plusieurs sources affirment qu’après sa victoire, Ma Yuan devint un bienfaiteur du peuple Yueh, leur apportant les bénédictions de la civilisation chinoise. En réalité, il tenta de briser les coutumes tribales, de siniser cette colonie pour qu’elle puisse être plus facilement gouvernée par ses maîtres. A cet effet, il confisqua et fondit les tambours en bronze des tribus Yueh, symboles de l’autorité de leurs chefs. Le modèle d’un cheval fut coulé à partir de ce bronze et Ma Yuan le présenta à l’empereur à son retour à Luoyang à l’automne en 44 de notre ère.
Le « Général qui calme les vagues » devint plus tard un dieu local, longtemps vénéré dans le sud de la Chine.
The Cambridge History of China, Vol.01
La douzième année de Jiànwǔ (36 apr. J.-C.), Zhāng Yóu, le chef extérieur des tribus barbares de Jiǔ Zhēn, amena son peuple à se rendre à la dynastie Han, et reçut le titre de «Marquis Revenant aux Han». L’année suivante, les barbares extérieurs du Yúe du Sud offrirent des faisans blancs et des lapins blancs en tribut. La seizième année (40 apr. J.-C.), les femmes Jiān’àn Zhēn Cè (Trưng Trắc) et sa sœur Zhēn Èr (Trưng Nhị) se révoltèrent, attaquant les commanderies. Zhēn Cè était la fille de Lóu Jiàng, le magistrat du comté de Yáolíng. Elle avait épousé Shī Suō de Zhéguī et était connue pour sa férocité et sa bravoure. Le gouverneur de Jiāozhǐ, Sū Dìng, l’avait punie selon la loi, la mettant en colère et provoquant sa révolte. Les tribus Jǐu Zhēn, Rìnán, Hépú et autres répondirent toutes à la rébellion, s’emparant d’un total de 65 villes, et Zhēn Cè se proclama reine. L’inspecteur et divers gouverneurs de Jiāozhǐ ne purent que défendre leurs propres territoires.
L’empereur Guāngwǔ ordonna à Chángshā, Hépú, Jiāozhǐ et autres lieux de préparer des navires et des véhicules, de construire des routes et des ponts, d’ouvrir des cols de montagne et de stocker des céréales. La dix-huitième année de Jiànwǔ (42 apr. J.-C.), il dépêcha le général Mǎ Yuán et l’amiral Duàn Zhì, mobilisant plus de 10 000 troupes de Chángshā, Guìlín, Línglíng, Cāngwǔ et d’autres endroits pour faire campagne contre Zhēn Cè. L’été suivant, au quatrième mois, Mǎ Yuán conquit Jiāozhǐ, décapitant Zhēn Cè, Zhēn Èr et d’autres, tandis que le reste des rebelles se rendait et se dispersait. Mǎ Yuán avança ensuite pour attaquer la capitale rebelle de Yángchéng et d’autres places des tribus Jǐu Zhēn, les défaisant et acceptant leur reddition. Il déplaça plus de 300 chefs de Jǐu Zhēn à Línglíng. Ainsi, tout le territoire de Jiāozhǐ fut pacifié.
Fan Ye - Livre des Han postérieurs
Sources : - Lê Văn Hưu - Đại Việt sử ký Toàn Thư, Ngoại Kỷ Toàn Thư 3: Kỷ Thuộc Hán (1272) - The Cambridge History of China, Vol.01: The Ch'in and Han Empires, p.270-273 - Fan Ye - Livre des Han postérieurs, volume 86 (5e siècle)