Marguerite Naseau – Ses vertus

Ma sœur Marguerite Naseau est venue la première pour servir les pauvres malades de la paroisse St Sauveur en laquelle la confrérie a été établie en l’année 1630.

Mémoire de ce qui a été dit en l’entretien que Mr Vincent fit faire en sa présence aux filles de la charité sur ce sujet des huit premières sœurs décédées dont le premier point se trouve dans l’original.

2ème point, qui consiste à considérer les vertus que chacune a remarqué en nos sœurs qui sont allées à Dieu.

Marguerite Naseau, de Suresnes, a été la première qui a été si heureuse que de montrer le chemin aux autres tant pour enseigner les jeunes filles que pour assister les pauvres malades, quoi qu’elle n’ait eu quasi aucun maître ou autre maîtresse que Dieu, du fait qu’elle n’était qu’une pauvre vachère qui ne savait aucunement lire et cependant ayant eu une forte inspiration du ciel d’instruire la jeunesse, elle acheta un alphabet et ne pouvant aller à l’école pour se faire montrer elle se dérobait au commencement, pour aller chez Monsieur le curé ou vicaire pour lui dire quelles étaient les quatre premières, et une autre fois les quatre suivantes, et ainsi des autres, et après en gardant les vaches, elle étudiait sa leçon et dès qu’elle voyait passer quelqu’un qui avait la façon de savoir lire, elle lui demandait Monsieur comment faut-il prononcer ce mot-là et ainsi peu à peu elle apprit à lire puis elle apprit à lire à d’autres filles de son village, et alors elle prit la résolution de s’en aller de village en village pour aller enseigner la jeunesse, et gagna deux ou trois filles à qui elle avait appris à lire lesquelles prirent la même résolution et l’exécutèrent avec elle, l’une en un village et l’autre à l’autre et ce qui est plus remarquable, c’est qu’elle entreprit tout cela sans argent et sans autre provision que la providence divine ce qui la fit souvent jeûner les journées entières ; habiter des lieux où il n’y avait que les murs, vaquait quelque fois jour et nuit à l’instruction non seulement des petites filles, mais encore des grandes, et cela sans aucun retour ou dessein de vanité ou intérêt, que celui de la gloire de Dieu, lequel pourvoyait à ces grands besoins sans qu’elle y pensât, ayant elle-même dit à Mademoiselle Legras, qu’ayant passé quelques jours sans pain et sans en rien dire à personne, il arriva qu’en revenant de la messe, elle trouva de quoi se nourrir pour bien longtemps.

Plus elle travaillait à l’instruction de la jeunesse, plus elle était moquée et calomniée des villageois, qui s’étonnaient de la voir agir de la sorte, cela ne faisait qu’augmenter son zèle pour mieux travailler que devant elle avait un si grand détachement de tout qu’elle donnait tout ce qu’elle avait se retranchant de ses nécessités pour donner à autrui ; elle a fait étudier quelques jeunes hommes qui n’en avait pas le moyen les nourrissant le plus souvent et encourageant au service de Dieu lesquels maintenant sont bons prêtres.

Enfin ayant appris qu’à Paris il y avait une confrérie pour les pauvres malades ; elle semblait poussée du désir d’y être employée pour plus parfaitement pratiquer la charité et quoi qu’elle eût une grande affection à continuer l’instruction de la jeunesse, elle quitta néanmoins cet exercice de charité pour embrasser l’autre qu’elle jugea plus parfait et nécessaire, et pour être la première fille de la charité servante des pauvres malades de la ville de Paris et y attira des filles qu’elle avait aidé à se détacher de toutes les vanités et à se mettre dans la dévotion.

Elle avait une grande humilité et soumission à prendre conseil et quoi qu’elle n’eût point d’exemple d’autres sœurs elle était si peu attachée qu’elle changea volontiers en peu de temps de trois paroisses d’où elle ne sortait qu’au grand regret d’un chacun.

Dans les paroisses elle continua toujours la même charité, allait à la campagne donnant tout ce qu’elle pouvait avoir quand l’occasion s’y trouvait, car elle ne pouvait rien refuser et eût voulu retirer tout le monde chez elle, il fait noter qu’alors il n’y avait point de communauté formée ni aucune règle qui lui commandât d’agir autrement.

Elle avait une grand patience, était sans murmure, tout le monde l’aimait parce qu’il n’y avait rien que d’aimable en elle.

Sa charité a été si grande qu’elle est morte pour avoir couché avec elle une pauvre fille malade de la peste et ayant gagné sa maladie elle s’en alla à St Louis le cœur plein de joie et de conformité à la volonté de Dieu, et dit adieu à la sœur qui était avec elle comme si elle eût prédit sa mort.