Le droit de pétition est le droit imprescriptible de tout homme en société. Les Français en jouissaient avant que vous fussiez assemblés ; les despotes les plus absolus n’ont jamais osé contester formellement ce droit à ce qu’ils appelaient leurs sujets. Plusieurs se sont fait une gloire d’être accessibles et de rendre justice à tous. C’est ainsi que Frédéric II écoutait les plaintes de tous les citoyens. Et vous, législateurs d’un peuple libre, vous ne voudrez pas que des Français vous adressent des observations, des demandes, des prières, comme vous voudrez les appeler ! Non, ce n’est point pour exciter les citoyens à la révolte que je parle à cette tribune, c’est pour défendre les droits des citoyens ; et si quelqu’un voulait m’accuser, je voudrais qu’il mît toutes ses actions en parallèle. Je défends les droits les plus sacrés de mes commettants ; car mes commettants sont tous Français, et je ne ferai sous ce rapport aucune distinction entre eux : je défendrai surtout les plus pauvres.
Plus un homme est faible et malheureux, plus il a besoin du droit de pétition ; et c’est parce qu’il est faible et malheureux que vous le lui ôteriez ! Dieu accueille les demandes non-seulement des plus malheureux des hommes, mais des plus coupables. Or, il n’y a de lois sages et justes que celles qui dérivent des lois simples de la nature. Si vos sentiments n’étaient point conformes à ces lois, vous ne seriez plus les législateurs, vous seriez plutôt les oppresseurs des peuples. Je crois donc qu’à titre de législateurs et de représentants de la nation, vous êtes incompétents pour ôter à une partie des citoyens les droits imprescriptibles qu’ils tiennent de la nature.
Source : Robespierre - Sur le droit de pétition et d'affiche, séance du 9 Mai 1971