Au premier rang des pompes du siècle figurent toujours nécessairement l’or et l’argent. Mais après tout que sont-ils ? Une terre un peu plus brillante, parce que, péniblement arrachée aux mines par des mains esclaves, condamnées à ce châtiment, elle a été trempée de sueurs et de larmes, puis a laissé dans les flammes son nom de terre, aujourd’hui battue, torturée, livrée à l’ignominie, demain joyeux ornement, délices, honneur convoité, depuis qu’elle a perdu sa forme première. Mais qu’y a-t-il là que l’or et l’argent ne partagent avec les matières les plus viles, le fer, l’airain et toutes les autres ? Comme ces métaux, ils sont engendrés par la terre, comme eux tourmentés par l’industrie humaine. Rien donc dans leur substance ou dans leur nature qui leur donne plus de noblesse.
Dira-t-on qu’ils doivent leur prééminence à leur utilité ? Loin de là ! Elle appartient plutôt au fer et à l’airain qui rendent à l’homme des services plus nombreux, plus indispensables, et souvent même remplacent l’or ou l’argent pour des motifs plus légitimes. Ainsi l’anneau est de fer. Ainsi nous gardons encore, comme un souvenir de l’antiquité, de petits vases d’airain, témoin de la frugalité de nos pères. Que l’opulence extravagante de l’or et de l’argent serve à des usages impurs, que m’importe ; toujours est-il que ce n’est pas avec l’or qu’on laboure un champ ; ce n’est pas avec des lames d’argent que l’on protège les flancs d’un navire ; aucun hoyau ne plonge son or dans la terre ; aucune cheville d’argent ne consolide nos charpentes. Toutes les nécessités de la vie reposent sur le fer et l’airain. Que dis-je ? Ces métaux vaniteux eux-mêmes ne peuvent être arrachés des mines ni forgés pour les usages de l’homme que par l’énergique assistance du feu et de l’airain. D’où vient donc la dignité de ces parvenus pour qu’on les préfère ainsi à leurs frères, leurs égaux en naissance, leurs supérieurs en utilité ?
Source : Tertullien - De l'ornement des femmes, livre I, V