Histoire du tribun militaire Quintus Caedicius, tirée des annales. Citation d’un passage de Caton où celui-ci compare la vertu de Caedicius avec celle du Spartiate Léonidas.
C’est un brillant fait d’armes, grand dieux ! et digne de la majesté oratoire de l’éloquence grecque que Caton dans ses Origines nous a conservé du tribun Quintus Caedicius. Voici à peu près ce qu’il dit : « Le commandant carthaginois, en Sicile, lors de la première guerre punique, s’avance au-devant de l’armée romaine et occupe le premier les collines et les positions favorables. Les soldats romains pénètrent, comme la situation les y contraint dans un lieu propice à l’embuscade et à la destruction. Le tribun va au consul, lui montre la situation défavorable, les ennemis tout autour, l’anéantissement tout prêt. « À mon avis, dit-il si tu veux te tirer d’affaire, il faut faire en sorte d’envoyer quelques quatre cents soldats sur cette verrue (c’est ainsi que Caton appelle un lieu élevé et escarpé), leur ordonner et les supplier de s’en emparer. Quand les ennemis les verront, tous les plus courageux et les mieux disposés s’attacheront à leur faire opposition et à combattre contre eux, ils s’absorbent à cette seule affaire, et ces quatre cents hommes, on n’en peut douter, seront tous massacrés. Alors, tandis que les ennemis seront occupés à ce massacre, tu auras le temps de faire sortir l’armée de ce lieu. C’est le seul moyen de salut. » Le consul répondit au tribun que ce plan lui paraît, à lui aussi, plein de sagesse : « Mais ces quatre cent soldats, qui y aura-t-il pour les mener vers la colline contre les attaques de l’ennemi ? — Si tu ne trouves personne d’autre, répond le tribun, tu peux te servir de moi pour affronter ce danger ; je donne ma vie pour toi et pour la république. »
Le consul adresse au tribun remerciements et louanges. Le tribun, avec quatre cents hommes part à la mort. Les ennemis s’étonnent de leur audace et se demandent où ils vont. Mais quand il apparut qu’ils marchaient pour s’emparer de la verrue, le général carthaginois envoie contre eux les cavaliers et les fantassins les plus braves qu’il avait dans l’armée. Les soldats romains sont encerclés ; encerclés ils résistent. Un combat se déroule longtemps douteux. Le nombre enfin l’emporte. Les quatre cents tombent tous ensemble, transpercés par l’épée ou accablés par les traits. Le consul, tandis que l’on combat, se retire sur une position sûre et élevée.
Mais nous ne dirons plus nous-même ce qui arriva par la faveur des dieux à ce tribun, le chef des quatre cents, voici les termes de Caton : « Les dieux immortels donnèrent au tribun un sort digne de sa vertu. Car voici ce qui arriva : bien qu’il ait été atteint en de multiples endroits, sa tête fut épargnée, et on le reconnut parmi les morts, évanoui sous les blessures, ayant perdu son sang ; on le releva ; il guérit, et souvent par la suite il offrit à la patrie les services de son courage et de sa bravoure ; par son haut fait, en menant à la mort ces soldats, il avait sauvé le reste de l’armée. Mais le même héroïsme est jugé bien différemment selon le lieu. Le Lacédémonien Léonidas qui accomplit aux Thermopyles un acte semblable, toute la Grèce célébra la gloire et la popularité extraordinaires que lui avait value sa réputation : portraits, statues, inscriptions, récits entre autres assurèrent à son exploit la plus grande popularité. Au contraire le tribun ne recueillit que peu de gloire pour son héroïsme : il avait pourtant fait aussi bien, et il avait sauvé la situation. »
Caton illustra par un tel témoignage cet acte héroïque de Quintus Caedicius. Mais Claudius Quadrigarius au troisième livre de ses Annales ne l’appelle pas Caedicius, il le nomme Laberius.
Source : Aulu-Gelle - Les Nuits attiques, livre III, VI