De la distinction entre droit naturel et loi humaine, Antiphon se faisait le précurseur en Grèce au Ve siècle av. J.-C. Ce philosophe, également orateur et homme politique, toucha de nombreux domaines et est surtout connu pour ses discours et son éloquence, son hédonisme, son analyse de la psyché humaine et sa thérapie de l’âme fondée sur le discours.
La justice consiste à ne pas transgresser la loi de la cité où l’on exerce ses droits de citoyen. Par suite, un homme s’attirera les plus grands avantages en pratiquant la justice, si c’est devant des témoins, qu’il se plie à la puissance des lois ; mais s’il est seul et sans témoin, ce sera en suivant la nature. Car les prescriptions de la loi sont d’institution, alors que celles de la nature sont nécessaires. Celles des lois qui résultent d’un accord mutuel ne sont pas naturelles, mais celles de la nature, qui sont naturelles, ne résultent pas d’un accord.
Donc, celui qui transgresse la loi, si c’est à l’insu de ceux qui ont établi l’accord, échappe à la honte comme au châtiment. Mais non, s’il ne s’en cache pas. Quant aux normes naturelles de la nature, en allant au delà-du possible, on les viole, même si c’est à l’insu des hommes, le mal n’en est pas moindre, et si tous le savent, il n’en est pas plus grand. Car le dommage ne vient pas de l’opinion, mais a lieu en vérité. Ce qui explique le problème, c’est principalement que les prescriptions du juste selon la loi sont, la plupart du temps, en conflit avec la nature.
Source : Antiphon le Sophiste - Fragments