Mais quelle est cette essence de l’homme que la conscience lui révèle, ou bien qu’est-ce qui constitue dans l’homme l’espèce, la véritable humanité ? C’est la raison, la volonté, le cœur. Dans un homme accompli doivent se trouver réunies la force de la pensée, la force de la volonté, la force du cœur. La force de la pensée est la lumière de la connaissance, la force de la volonté l’énergie du caractère, la force du cœur l’amour. Raison, amour, volonté, voilà les perfections, les forces les plus hautes, l’être absolu de l’homme dans l’homme et le but de son existence. L’homme existe pour connaître, pour aimer, pour vouloir. Mais quel est le but de la raison ? la raison ; de l’amour ? l’amour ; de la volonté ? la liberté.
Nous connaissons pour connaitre, nous aimons pour aimer, nous voulons pour vouloir, c’est-à-dire pour être libres. Il n’y a d’être véritable que l’être pensant, aimant, voulant. Il n’y a de vrai, de parfait, de divin que ce qui existe par soi et pour soi-même ; mais ainsi est l’amour, ainsi la raison, ainsi la volonté. La trinité divine dans l’homme, puissance qui domine son individualité, c’est l’unité de ces trois forces. Mais ces forces, l’homme n’en est pas maître, car il n’est rien sans elles, et ce qu’il est, il ne l’est que par elles. Elles sont les éléments fondamentaux de son être, de son être qu’il ne possède ni ne fait, elles sont des puissances qui l’animent, le déterminent, le gouvernent, des puissances absolues, divines, auxquelles il ne peut opposer aucune résistance.
Source : Ludwig Feuerbach – L’essence du christianisme, Introduction, I Essence de l’homme en général