L’unification de l’Égypte
Narmer fut le premier à unifier la Haute et Basse-Égypte lors de son règne entre -3185 et -3125. De nombreux rois furent auparavant à la tête de pouvoirs politiques de plus en plus grands dans des petites villes-États le long du Nil résultant en des tensions grandissantes qui aboutirent à un processus d’unification. Des siècles de conflits aboutirent à la coexistence de trois puis de seulement deux royaumes : la Haute et la Basse-Égypte. Narmer remporte alors le dernier bastion du Nord de l’Égypte et de fait l’unifie et devient le premier roi de la Ire dynastie en -3150/-3125.
La palette de Narmer
La palette de Narmer est une palette à fard en schiste avec les plus anciens hiéroglyphes connus de nos jours racontant cette unification de l’Égypte. La tombe du pharaon où elle fut retrouvée est découverte par le français Émile Amélineau en 1894 et fouillée entre autres par Flinders Petrie entre 1899 et 1901 – l’archéologue britannique ayant également découvert plusieurs tablettes des Lettres d’Amarna.
Cette palette cosmétique est non seulement un objet fonctionnel mais aussi un document historique parmi les plus anciens connus remontant à -3150 av. J.C.
Un récit en quatre épisodes
Plusieurs scènes sont représentées pour illustrer pas-à-pas le récit de la conquête victorieuse de Narmer et l’unification de l’Égypte. Les symboles employés servent de support pour résumer les faits passés mais également pour servir de propagande à la gloire du pharaon : sous la protection des dieux, Narmer inspire l’effroi à ses ennemis, se montre puissant et sans pitié contre eux, revient victorieux et réunit la Haute et Basse Égypte.
1 – Deux ennemis sont tout d’abord représentés soit dans un mouvement de fuite vers la droite soit dans un signe de soumission, regardant derrière eux une menace qui semble les poursuivre et leur inspire de la terreur.
2 -Un taureau brise ensuite les murs de la citadelle où s’étaient réfugiés les ennemis et piétine un des ces derniers au sol. Tout comme le faucon ou le lion, le taureau représente un des aspects du pharaon, terrassant ses ennemis.
3 – Les ennemis sont enfin amenés devant Narmer, (coiffé de la couronne blanche de Haute Egypte 𓋑) par un faucon tenant la tête ennemie avec un harpon, certainement pour le préparer à la décapitation qui va suivre.
Narmer tient un de ses regalia, une massue (voir aussi Les sceptres égyptiens, symboles de pouvoir), et empoigne un ennemi, symboliquement en dessous et avec un corps plus petit. Derrière lui se trouve un porteur de sandales.
Deux serpopards (chimère avec un corps de lion ou de léopard et un cou et une tête de serpent) forment un cercle creusé pour pouvoir préparer des produits cosmétiques comme des fards.
4 – Épilogue de l’histoire avec l’exécution des ennemis et la célébration du souverain. Sur la droite, dix cadavres sont ligotés, décapités et émasculés.
Quatre porte-drapeaux et un prêtre précédent l’arrivée du pharaon Narmer, coiffé cette fois-ci de la couronne rouge de Basse-Egypte 𓋔, portant une masse et un fléau.
La titulature royale et le nom d’Horus
Lors de l’accession au pouvoir du roi, la cour royale souhaitait résumer les caractères essentiels du pharaon au travers de sa titulature. Plusieurs épithètes royaux seront donc choisis comme un résumé de ses qualités ou de ses relations avec le monde divin ou humain. Ces épithètes étaient souvent de courtes phrases telles que : «Taureau puissant qui apparaît radieux à Thèbes », « Celui dont le bras est fort », « Celui qui protège l’Égypte », « Image vivante d’Amon ».
La titulature royale évolua jusqu’au Moyen Empire (vers – 2000 av. J.C.) où cinq noms du roi formèrent la forme canonique avec :
- Le nom d’Horus, introduit par le hiéroglyphe du faucon Horus. Le plus ancien nom donné au roi et pour les premières dynastie, le seul donné.
- Le nom des Deux Maîtresses (ou nom de Nebty) qui place le pharaon sous la protection des deux déesses Nekhbet et Ouadjet.
- Le nom d’Horus d’or, introduit par le hiéroglyphe du faucon Horus et celui de l’or avec un collier précieux. Son sens est le moins connu avec peut-être un rapprochement à faire avec le soleil ou le monde divin (la chair divine est faite d’or).
- Le nom de couronnement : c’est le nom qui se retrouve dans un cartouche de forme allongé et fermé par un nœud à une extrémité, protégeant le nom du roi et donc sa personne.
- Le nom de naissance : c’est le prénom donné au prince héritier à sa naissance.
Le serekh est ce cadre rectangulaire avec le nom d’Horus du pharaon inscrit à l’intérieur, dont celui de Narmer est connu :
Le sens communément accepté est « féroce poisson-chat » ou « poisson-chat qui frappe ». Ce nom d’Horus de Narmer se retrouve d’ailleurs plusieurs fois sur la palette :
Sources : - Davis, Whitney - Masking the Blow: The Scene of Representation in Late Prehistoric Egyptian Art - p.163-178 - Leprohon, R. J. - The Great Name: Ancient Egyptian Royal Titulary - p.12-22