Il y a dans le même endroit de la ville un temple de Bacchus surnommé Calydonien, parce que sa statue a été apportée de Calydon. Lorsque cette ville était encore habitée, parmi les Calydoniens qui furent prêtres de ce dieu, il y en eut un nommé Corésus, qui fut entre les hommes un de ceux que l’amour a le plus maltraités. Il était devenu amoureux d’une fille nommée Callirhoé, qui avait autant de haine pour lui qu’il avait d’amour pour elle.
Corésus voyant que toutes ses prières et tous les dons qu’il lui promettait, ne pouvaient la fléchir, s’assit comme suppliant auprès de la statue de Bacchus. Le dieu écouta les prières de son prêtre, et les Calydoniens furent saisis sur-le-champ d’une espèce d’ivresse qui leur faisait perdre la raison ; ce délire était suivi de la mort.
Ils eurent recours à l’oracle de Dodone ; car de tous les Grecs qui habitent ce continent, les Étoliens, les Arcananiens, leurs voisins, et les Épirotes, sont ceux qui ajoutent le plus de foi aux oracles que les colombes rendent de dessus le chêne sacré.
Il leur fut alors répondu de Dodone, que c’était la colère de Bacchus qui s’appesantissait sur eux, et qu’elle ne cesserait que lorsque Corésus aurait sacrifié à ce dieu, ou Callirhoé elle-même, ou celui qui consentirait à mourir pour elle. La jeune fille n’ayant trouvé auprès de personne aucune espérance de salut, s’adressa ensuite à ses parents, et comme elle fut également refusée de ce côté là, il ne lui restait plus qu’à subir son sort. Tous les préparatifs pour le sacrifice ordonné par l’oracle étant faits, on l’amena à l’autel comme victime. Alors Corésus, que regardait ce sacrifice, faisant céder la colère à l’amour, se frappa lui-même à la place de Callirhoé ; et donna par cette action un exemple de l’amour le plus sincère qu’on ait jamais vu parmi les hommes.
Quant à Callirhoé, lorsqu’elle vit Corésus mort, ses sentiments changèrent tout-à-fait, et soit regret de sa mort, soit commisération de ce qu’il avait fait pour elle, elle se tua vers la fontaine qui est auprès du port de Calydon ; c’est d’elle que cette fontaine a pris le nom de Callirhoé.
Source : Pausanias - Description de la Grèce, livre VII, chapitre XXI, 1,5