Et vous ne passerez jamais – Lettre de Verdun

Ma très chère et très aimée Marie,

Dieu l’a ainsi décidé, cette lettre est la dernière que vous lirez de moi ! Je l’écris après avoir reçu l’ordre de diriger une attaque qui doit entraîner les plus grands sacrifices – le mien en particulier.

Je la confie à un officier du 232ème, le lieutenant Ruez, qui vous la fera parvenir, quand mon sacrifice aura été accompli.

J’offre volontiers ma vie à la France, en vue de la grandeur de laquelle j’ai toujours travaillé et vécu.

Je partirai en Chrétien, après avoir accompli mes devoirs religieux.

Ceci sera pour votre âme si chrétienne la meilleure des consolations pendant notre séparation momentanée ; ce sera un exemple pour nos chers enfants.
En vous quittant ainsi, je vous laisserai, je l’espère, un souvenir qui vous soutiendra dans la vie.

Soyez assurée que je vous aime comme je vous ai toujours aimée et que j’emporte dans le cœur notre image chérie, ainsi que celles de mes quatre enfants, dans l’âme desquels vous me ferez revivre.

Le temps nous manque pour adresser un dernier adieu à ma bonne et vénérée mère, je vous prie de lui annoncer ma mort au Champ d’Honneur. Venant de vous qu’elle affectionne particulièrement, ce coup lui sera moins rude.

Dites-lui que son âme a forgé la mienne et que je l’embrasse du fond de mon cœur, ainsi que mon père qui fut mon modèle.

Je n’oublie aucun des nôtres dans ma dernière vision de la Vie.

Mon baiser le plus affectueux à mes chers petits Pierre, Louis, Anne et Charlotte ; à vous mon plus tendre adieu et au Revoir !

Votre Paul