Alors que toute chair est du foin,
et après le foin deviendra boue,
homme, pourquoi t’enorgueillis-tu ?
Regarde ce que tu es, ce que tu seras :
maintenant tu es en fleur mais tu te changeras
en étincelle de cendre.
Tu foules la terre, tu portes la terre,
et tu retourneras à la terre,
toi qui est formé de terre.
À mesure de l’accroissement de l’âge,
ou plutôt des pertes causées par l’âge,
tu es entraîné vers le non-être ;
comme une ombre qui décline,
la vie s’enfuit à la hâte
et se clôt par la borne du tombeau.
Tu foules la terre, tu portes la terre,
et tu retourneras à la terre,
toi qui est formé de terre.
Tu as été appelé homme d’après l’humus de la terre.
Tu passes vite, parce que tu as été fait
semblable à la fumée ;
homme tu nais avec douleur,
tu mènes ta vie dans le labeur
et tu meurs avec crainte.
Tu foules la terre, tu portes la terre,
et tu retourneras à la terre,
toi qui est formé de terre.
Ô sort pénible, ô sort sévère !
Ô loi cruelle, que la nature
a promulguée pour les malheureux que nous sommes :
homme tu nais avec douleur,
tu mènes ta vie dans le labeur
et tu meurs avec crainte.
Tu foules la terre, tu portes la terre,
et tu retourneras à la terre,
toi qui est formé de terre.
Donc quand tu sais ce qu’est
ton sort, pourquoi cherches-tu
le plaisir de la chair ?
Souviens-toi que tu vas mourir,
et qu’après la mort tu moissonneras
ce que tu auras semé ici.
Tu foules la terre, tu portes la terre,
et tu retourneras à la terre,
toi qui est formé de terre.
Source : Philippe le Chancelier - Carmina Burana