Xue Tao – La poétesse de la dynastie Tang

La vie de Xue Tao

Xue Tao (en chinois simplifié: 薛涛) est une des plus célèbres poétesse et courtisane de la dynastie Tang en Chine, née en 770, soit donc juste après la mort de deux autres grands poètes de cette période que sont Du Fu (770†) et Li Bai (762†). La dynastie Tang fut une période propice et féconde pour la poésie chinoise, Xue Tao se distingua par son talent de lettrée et ses dons artistiques, malgré une vie mouvementée et instable.

Son père, un mandarin, fut envoyé à Chengdu dans la province du Sichuan lorsque Xue Tao était encore très jeune. Il lui très servit très probablement de précepteur et contribua à son éducation littéraire. Il mourut alors qu’elle était encore très jeune, et sa mère étant pauvre, elles restèrent à Chengdu où Xue devint courtisane. Cette position lui permit d’être en compagnie d’autres mandarins et poètes tels que Yuan Zhen (元稹) ou Bai Juyi (白居易). Prenant part à ces banquets et ce monde de lettres, elle put exercer et affiner ses dons pour la poésie jusqu’à parvenir au sommet de la littérature féminine des Tang.

Sa fin de vie fut plus misérable : à l’age de 42 ans, sans famille, Xue Tao vécut en retrait à coté de Chengdu et continua à écrire et méditer, dans la pauvreté et la solitude.

Quatre-cents cinquante de ses poèmes furent compilés dans une anthologie – le Jin jiang ji (錦江集) – qui fut partiellement perdue au XIVe siècle, et seulement une centaines sont nous parvenus aujourd’hui. Non seulement, Xue Tao était admirée pour sa poésie mais aussi son talent musical, elle fabriqua également un papier qui porte encore son nom, le Xue Tao Jian, papier découpé dans un format plus court et adapté à la poésie, coloré d’un rouge pâle et décoré d’incrustations.

Les thèmes principaux de ses poèmes sont des poèmes dits « yongwu (詠物) » sur des objets, des poèmes d’adieux, des poèmes d’amours ou sur des courtisans, des poèmes écrits pour une occasion (un banquet, un festival, etc.), des poèmes de protestation, sur la séparation, la nature ou bien encore sur des lieux saints.

Quelques poèmes

Sélection de deux poèmes de Xue Tao :

月

魄依鉤樣小,
扇逐漢機團。
細影將圓質,
人間幾處看
La lune

Tu es à tes débuts une mince faucille,
Qui bientôt s'arrondit comme un grand éventail.
Délicate figure et mûre plénitude,
partout dans l'univers à jamais admirée.

La lune est un des thèmes récurrents parmi tous les poètes, souvent utilisée pour décrire leur état émotionnel, lorsque seuls et sans sommeil, il méditent, pensifs en plein milieu de la nuit. Ici, Xue Tao apporte sa touche à cette symbolique pour rapprocher la lune, présentée dans le premier vers du quatrain comme un mince crochet, et des spectateurs qui sont partout et la contemple, impression encore plus renforcée par l’absence de narrateur dans le poème.

Le deuxième vers peut inclure ou non une personne : soit le poète joue et recouvre la lune avec un éventail rond jusqu’à les confondre, soit un nuage traverse le ciel et recouvre également la lune. Dans les deux cas, le troisième vers nous fait revenir à l’ombre et la forme de la lune, qui retrouvera toujours sa rondeur.

L’ensemble donne un goût doux-amer de tristesse dans cette scène où l’artiste médite au milieu de la nuit, délaissée, sans trouver le sommeil pendant un certain temps, jusqu’à se laisser aller à jouer avec l’image de la lune dans le ciel.


蟬

露滌音清遠,
風吹故葉齊。
聲聲似相接,
各在一枝棲。
Les cigales

Nettoyée par la rosée, sonne au loin une note claire
Bruissant dans les feuilles, la brise l'accompagne.
L'on dirait que leur voix entament un duo,
Sur chacune des branches l'une et l'autre perchées.

Un jour d’automne, la rosée vient de se dissiper, le vent souffle et emporte des feuilles mortes : portant au loin, le bruit de cigales apparaît pur, clair. Les cigales chantent de concert, leur bruit semble se confondre jusqu’à ce que l’on remarque qu’elles sont en fait sur des branches différentes.

Entre les deux premiers vers et le deux derniers, nous avons changé de point de vue : nous commençons au loin, tout semble à l’unisson. Puis le narrateur se déplace pour se rapprocher et nous distinguons de plus près ces cigales. Ce changement aboutit à une désillusion : tout semblait si beau, ces cigales chantaient ensemble, mais finalement, ce n’est pas le cas, elles sont seules sur leurs branches, chacune de leur côté. Xue Tao exprime là sa déception et la tristesse d’un amour lointain, certainement le reflet de sa propre vie sentimentale. De même que ces cigales, elle envoie des lettres et des poèmes auprès de l’être aimé, mais restent tous les deux éloignés, seuls. La tristesse est en plus amplifiée par le caractère automnal du poème : la rosée, le vent, le froid et ces cigales qui disparaîtront bientôt avec l’approche de l’hiver.

Sources :
- Xue Tao - Un torrent de montagne
- Jeanne Larsen - Brocade River Poems: Selected Works of the Tang Dynasty Courtesan Xue Tao
- Lu Yu - Readings Of Chinese Poet Xue Tao